jeudi 31 juillet 2008

Histoire d'une statue en plâtre

Au retour de l'exode en Charentes, dans sa petite maison en ruine, Rose avait retrouvé sa statue de la Vierge Marie. Elle avait dû l'abandonner en 1940 avec tous ses biens au moment de l'invasion allemande.
Dans la cave, au milieu des gravas et de la poussière, elle l'avait retrouvée, à l'endroit même où elle l'avait cachée avant de partir. Un miracle qu'elle était encore là, en si bon état. Elle y tenait beaucoup car c'était un cadeau de sa mère qui fut très croyante.
Depuis son retour au pays, elle lui avait voué une grande ferveur et une immense dévotion. Dans sa salle à manger où elle l'avait posée, elle l'a prié tous les jours. Persuadée que, grâce à la Vierge Marie, son fils unique engagé au front comme jeune soldat et son mari Louis en sont sortis indemnes. Célibataire, son fils alcoolique n'a pas hélas survécu à son vice peut-être trop marqué par les atrocités de la guerre.
Louis, contrairement à son fils, a eu beaucoup plus de chances dans sa vie. Il a fait la grande guerre puis la seconde guerre mondiale où il était devenu sergent-chef. Plusieurs fois décoré pour ses services rendus à la France, Ancien combattant, il était de toutes les manifestations. Comme Rose, il était aussi croyant et ne ratait jamais une messe à l'église de son village. Et pour cause, il y chantait avec la Chorale Sainte Cécile, dont il était devenu le plus ancien membre. Elle lui avait rendu hommage pour ses 60 ans de fidélité et l'avait remercié pour sa gentillesse et son humanisme. Une longue vie qu'il a partagée avec son épouse avec laquelle il a encore fêté ses noces de diamant avant de disparaître quelques années plus tard.
Pour Rose, la voilà désormais seule, le coeur brisé par la solitude et la souffrance de sa maladie. Par un beau jour de juillet, à bout de force, elle s'est éteinte en laissant son héritage à Angèle, sa soeur cadette.
Célibataire, habituée à vivre seule, Angèle avait une santé précaire. Très fière de récupérer la statue qui avait une grande valeur sentimentale, elle s'est pourtant résignée à s'en séparer, car elle était trop chargée de souvenirs. Un jour, elle a du être hospitalisée pour avoir fait une mauvaise chute liée à ses fréquents vertiges. Son médecin, vu son âge et son état de santé, avait réussi à la convaincre de s'installer dans une maison de retraite. Contre mauvaise fortune bon coeur, elle avait accepté, car elle savait bien qu'elle n'avait plus vraiment le choix. Elle finit aussi par vendre sa maison et tous ses effets mobiliers.
Entre-temps, la statue de 48 cm a été mise en vente sur un site de ventes aux enchères. A peine publiée, elle a trouvé preneur dans la demi-journée qui a suivi sa publication. Deux photos accompagnaient l'annonce, dont une représentait le visage de la Vierge en gros plan. Ce visage était intact, ne comportait ni fissure ni éclaboussure, pour un objet en plâtre qui avait plus de cents ans.
Son acquéreur, un jeune homme, originaire du pays de Lourdes, cela ne s'invente pas, l'avait acheté sans hésitation. Il avait ressenti, disait-il, quelque chose de très fort à la vue de ce visage qui n'était pourtant qu'une photo, un effet qu'aucune autre statue semblable ne lui avait jamais produit. On dit souvent, que les objets ont une âme ...
Finalement, elle n'aurait pas pu tomber entre de meilleures mains. Une statue en plâtre décidément pas comme les autres. Choyée, protégée, vénérée, une chance incroyable qu'à ce jour, elle soit encore intacte et si bien conservée.
C'est ainsi que s'achève cette petite histoire émouvante et celle d'une statue à laquelle on voudrait souhaiter une vie éternelle.
Nous avons tous au fond de nous-même une statue virtuelle bien vivante d'une personne, d'un ange-gardien, d'un Dieu que nous vénérons et prions pour nous accompagner dans notre vie et nous protéger.